Deirdre McCloskey Les péchés secrets de la science économique

Extrait

Deirdre McCloskey, Lee péchés secrets de la science économique – Avant-propos

(© 2015 éditions markus haller)

Les péchés dont se rend coupable la science économique ne sont pas ce que pourraient croire la majorité des anthropologues, des historiens ou des journalistes. Vue de l’extérieur, en effet, la « lugubre science » est visiblement impie — ce qui ne l’empêche pas d’exercer une influence exaspérante. Mais les péchés visibles ne sont pas les plus graves, et du reste tout le monde s’empresse de les commettre. Ce sont en réalité deux péchés singuliers, invisibles et plutôt inhabituels — deux péchés secrets — qui handicapent aujourd’hui l’entreprise scientifique, que ce soit dans le champ de la science économique ou dans d’autres disciplines comme la psychologie, la science politique, la science médicale ou la biologie des populations.


Or, quand l’accusatrice bienveillante que je suis formule de tels reproches, dans l’espoir que sa chère science économique gagne en maturité et se consacre enfin à des recherches sérieuses (comme le font la physique, la géologie, l’anthropologie, l’histoire ou une certaine critique littéraire), elle se sent tristement incomprise. C’est que les péchés courants et véniels nous empêchent de voir les péchés insolites et mortels. Malheur à l’accusatrice bienveillante, dont les propos sont si mal interprétés ! On lui rétorque bien souvent : « Ah oui, je vois. Vous faites partie de ces humanistes délicats qui sont indisposés par les chiffres ou par les mathématiques… » Ou encore : « Ah oui, je vois. En réduisant l’économie à un simple “exercice rhétorique”, vous voulez dire que les textes des économistes manquent de chaleur. »


Ces remarques ont de quoi rendre fou. L’accusatrice bienveillante, elle-même économiste (de l’école de Chicago, qui plus est) en est venue, après vingt ans de tâtonnements, à constater l’omniprésence de Deux Péchés Secrets de l’Économie, qui, au bout du compte, n’en font qu’un — et qui, comme tous les péchés, relèvent en dernière analyse de l’orgueil. Or absolument personne — ni l’anthropologue, ni le professeur de littérature, ni aucun autre observateur extérieur, et moins encore l’économiste ou le chercheur en médecine — ne semble vraiment comprendre ses critiques, ou du moins en tenir compte.

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